Logan (film, 2017)

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Jusqu’à maintenant, Wolverine avait quand même été rarement gâté au cinéma. Et ce, malgré un acteur parfait pour l’incarner en la matière de Hugh Jackman. Un bon acteur, un physique adapté, mais des scénarios et/ou une réalisation qui ne suivaient pas vraiment. Il était globalement correct dans la saga des X-Men (même si son passage dans l’apocalyptique Apocalypse tenait plus du clin d’oeil aux fans) mais ses films en solo ne l’ont pas mis en valeur comme le personnage iconique des comics le méritait.

J’attendais donc relativement peu de ce Logan, surtout que James Mangold, le réalisateur du médiocre Combat de l’Immortel, était aux commandes. Et pourtant, la bande-annonce – avec une énormissime reprise de Johnny Cash – me laissait espérer…

Quelle claque ! Plus qu’un film de super-héros, Logan est un western, un road-movie crépusculaire.

[le reste de la critique contient moults spoilers, lisez-la à vos risques et périls]

Dans un futur proche (visiblement distinct du reste de la saga, et l’histoire n’expliquera pas pourquoi, c’est comme ça), Logan travaille comme chauffeur de luxe, conduisant une limousine. Un Wolvie fatigué, usé, malade (on apprendra qu’il est contaminé par l’adamantium de son squelette, qui annihile son facteur guérisseur – encore une divergence par rapport au film précédent où il perdait son fameux métal), buvant comme un trou pour soulager la douleur et oublier le passé. Et un Jackman au diapason, boitant, clampinant, aux gestes peu sûrs, couturé de cicatrices, bardé de rides et de cernes, devant mettre des lunettes pour lire…

Logan se sert de son argent pour payer des médicaments afin de soulager Xavier, délirant et grabataire, qu’il drogue et cache dans un vieux château d’eau rouillé à la frontière du Mexique. L’occasion pour Jackman de retrouver son complice Patrick Stewart, émouvant en vieillard sénile et acariâtre, malade et n’évoquant que rarement un lourd secret. On finira par apprendre, ou deviner, qu’un sort funeste à détruit les X-Men. Les pouvoirs psi déréglés d’un Xavier vieillissant les ont-ils décimé, à l’instar des crises qui peuvent le saisir comme on en a une vision frappante dans le film ? Et vu que dans le même temps il n’y a plus eu de naissance mutante depuis 25 ans, il reste bien peu d’entre eux, on se demande même s’il ne demeure pas que Logan, Xavier et Caliban, le détecteur de mutant qu’ils hébergent.

Aussi quand une infirmière demande à Logan d’escorter sa fille à la frontière canadienne, celui-ci commence-t-il par refuser. Il refuse les ennuis qu’il devine, mais a tellement besoin d’argent qu’il va finir par se laisser fléchir, malgré les avertissement de Donald Pierce. Celui-ci est bien différent des comics mais il dirige des soldats sur-entraînés, les Reavers, « améliorés » par des ajouts cybernétiques, à l’instar de son chef qui possède une main mécanique. Et ils sont sur la piste de jeunes fugitifs.

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Contre son gré, Logan se voit contraint de s’occuper de la petite fille, Laura. On aura vite compris, dès la bande-annonce, qu’il s’agit de X-23, jeune clone de Wolverine, dans une version ici vraiment pré-ado. Ce qui ne l’empêche pas d’être extrêmement efficace en combat, avec une actrice débutante, Dafne Keen, parfaite pour le rôle grâce à un jeu basé uniquement sur la gestuelle pendant une grande partie du film. Retrouver ainsi une sorte de jeune miroir de Logan, tout en sauvagerie et bestialité, alors que c’est son « père » biologique qui doit l’amadouer, est assez jubilatoire. Tandis que les scènes où elle tue sans pitié sont carrément dérangeantes, preuve qu’elles sont réussies (le film est classé R aux USa, interdit aux moins de 17 ans).

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Un petit mot sur la violence et le gore présents dans le film. On n’a pas forcément l’habitude de les trouver dans un film de super-héros, et même dans les comics, Wolverine fait souvent les gros bras mais ne tue ou ne mutile pas si souvent que ça. Ici, le côté bestial se lâche, il n’y a pas de retenue et pas de cadeau. Cela pourra en choquer certains, mais c’est un parti pris assumé.

Pourchassés par les Reavers, Logan, Xavier et Laura partent sur la route (avec des scènes cocasses d’engueulades entre les vieux complices !), vers le refuge rêvé des mutants où sont censés arriver les autres mutants clonés par la multinationale qui a créé Laura d’après les ADN de mutants. Logan découvrira que cet « Eden » est en fait un endroit… issu d’un comic book des X-Men ! Le film intègre d’ailleurs de fausses BD que Wolvie survole d’un oeil blasé, trouvant que celles-ci exagèrent largement le passé de son équipe ! Un clin d’oeil en forme d’auto-dérision de la part de Marvel et un régal pour les lecteurs (on croisera aussi une figurine action-figure de Wolverine en costume « classique » un peu plus loin).

Ce passage, dans un casino d’Oklahoma City, est d’ailleurs un moment clé du film quant aux influences sur le scénario. Avec Xavier et Laura qui regardent un film, un western (Shane en V.O., L’Homme des vallées perdues en V.F.) avec un cow-boy solitaire qui défend des fermiers, un assassin tourmenté qui ne veut pas qu’un jeune garçon, fasciné, ne l’imite. Comment ne pas y voir le reflet de Logan et de Laura ?

Torturé par les Reavers, Caliban retrouve les fugitifs et lors d’une tentative d’arrestation, Xavier lance une attaque psi tout azimut qui gèle sur place des centaines de personnes (on se rappelle d’un fameux centre commercial dans un film précédent – d’un temps où il maîtrisait encore ses pouvoirs). Seul Logan, et dans une moindre mesure Laura, arrive à continuer à bouger et se sert d’ailleurs de cet avantage pour abattre sans scrupules (et de façon très brutale) des Reavers.

La fuite en avant reprend et le côté futuriste du film se ressent ensuite un peu plus, avec des camions ou des moissonneuses-batteuses en auto-pilotage, mais le film ne lorgne finalement pas vers Old Man Logan, comme on pouvait le croire au vu du trailer. Ou alors plutôt d’une certaine façon vers celui que l’on peut lire actuellement, revenu à notre époque suite à Secret Wars.

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Amer, désabusé, Logan retrouvera le sens de la famille et de l’amitié lors d’une escale dans une famille de paysans qu’il défend d’une multinationale qui les exploite (là aussi, un ressort classique du western). Hélas, les Reavers les retrouvent et sortent leur artillerie lourde : X-24 ! Un clone de Logan, tel qu’on a pu le voir, ou presque, au début de sa carrière cinématographique. Deux Wolvies pour le prix d’un, avec un âgé et expérimenté mais diminué, et un autre jeune et bestial, mais sans intellect. Jackman se démultiplie et prouve qu’il est encore en forme(s) sous la dégaine cabossée de son avatar ! Bien sûr, Logan est surclassé mais bénéficie d’aide et s’en sort de justesse. Par contre, Xavier se fait assassiner, et on lui dit alors adieu, la larme à l’oeil, ainsi qu’à Patrick Stewart qui a annoncé récemment qu’il ne reprendrait pas le rôle à nouveau.

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Logan et Laura finissent par cohabiter et par arriver à Eden, le paradis des (jeunes) mutants qui n’ont finalement comme seul choix pour survivre que de quitter les USA. Et Logan mourra en affrontant X-24, lequel sera abattu par Laura. C’est elle qui prononcera l’éloge funèbre, celle déjà entendue dans le fameux western vu auparavant, puis elle partira vers un nouveau monde, avec ses amis mutants. Non sans avoir penché la croix de la tombe de Logan, pour lui donner la forme du X des X-Men…

On aurait pu croire (ou espérer) que Logan se soignerait et survivrait, partirait avec les jeunes (devenant un mentor, comme Xavier) mais non, le film se veut sombre, crépusculaire, sans espoir – pour lui en tout cas. Si ce n’est celui d’aider les autres et de se survivre via la filiation d’une Laura qui aura évolué au cours du film. La force de redresser la tête, de regarder la mort en face, de lui sourire et de lui cracher au visage ! (je vous invite à regarder le clip de Johnny Cash, sans concession sur la gloire passée, la vieillesse et la mort : What have I become / My sweetest friend / Everyone I know goes away / In the end / And you could have it all / My empire of dirt / I will let you down / I will make you hurt – d’ailleurs ce n’est pas un hasard si une de ses chansons est au générique de fin)

Il est rare qu’un studio laisse ainsi un réalisateur exprimer sa vision, et c’est tout à la gloire de la Fox de l’avoir fait (après un Deadpool atypique lui aussi, dans un genre radicalement différent et un Fantastic Four raté qui a peut-être servi de leçon au studio). Certes, la continuité des X-Men est – encore ! – malmenée, il faut d’ailleurs plutôt voir Logan comme un one-shot, un film à part entière, un hommage ultime à Wolverine, et/ou à Hugh Jackman, pour ses dix films et 17 ans au service de la franchise mutante et du cinéma de genre (n’oublions pas bien sûr Xavier/Stewart).

logan-affiche-du-filmComme le dit l’affiche, son heure est venue et on aurait pu titrer le film Death of Wolverine, pour parodier le comic book (rappelons que le Wolvie moderne y est mort que que son nom a été repris par… Laura/X-23 !). Et même s’il comprend quelques menus défauts (un Caliban qui semble n’être là que pour aider les méchants à les retrouver, peu d’explications quant au devenir des autres mutants, une continuité cinématographique mutante très floue), ceux-ci sont balayés par la force du propos, le jeu des acteurs principaux, touchants et puissants, le côté sombre et implacable, inéluctable du destin de Logan.

A côté, les bandes-annonces des films Marvel vues avant la projection (Spider-Man Homecoming, Les Gardiens de la Galaxie 2) paraissent bien fades et puériles, pas de doute, on est dans un registre complètement différent, et James Mangold signe un film singulier avec une identité forte.

Une grande réussite, un des meilleurs films de super-héros et plus que cela, tout simplement un excellent film, sombre et brutal.

7 commentaires sur “Logan (film, 2017)

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  1. Je n’y connais rien en Marvel, habituellement j’évite même… et ce dimanche mes enfants m’ont traînée devant Logan. Et bien j’ai beaucoup aimé malgré la violence.
    Ton analyse de « western-road movies » est fort bien adapté.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci ! Il est très atypique. Chez Marvel Studios, il n’aurait pas été fait, là j’ai été surpris par la prise de risque de la Fox.
      En fait on a eu le même planning ce week-end alors ? (Sauf que moi, pas besoin de me forcer pour aller voir des super héros !)

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  2. J’ai lu le début et la fin, pour ne pas être spoilé.

    Personnellement j’en ai soupé des surproductions Marvel. Je m’étais promis de ne plus donner un kopeck au ciné pour eux.

    Mais bon, y a que les cons qui changent pas d’avis. L’aspect mature, crépusculaire et sombre me tente bien (et ma copine veut le voir, je ne sais pas si c’est pour Hugh Jackman, ou le film Oo).

    Bref, t’as l’air emballé et c’est enthousiasmant ! 🙂

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    1. Il est vraiment atypique, sans doute justement parce que produit par la Fox et pas directement par Marvel. Quant au succès de Jackman sur la gente féminine, je ne me l’explique pas non plus 😉

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